L’éclairage de la conscience sur la perception des sensations internes se doit de ne pas être trop intense : elles disparaîtraient en un éclat lumineux. Ni trop faible : l’imagination et l’interprétation des sensations n’auraient pas de bornes.
Approcher l’arbre des sensations, cela demande du tact et du contact, comme la pluie fine du jardin d’Akiko éclairé à la tombée du soir. Comment laisser se révéler les sensations pour apprendre d’elles sans les perturber ? Comment agir avec justesse sur la force de l'involontaire qui s’exprime grâce à nos sens pour nous alerter et nous guider ?
Faut-il, pour que le geste soit « juste », « vider la tête » comme on l’entend dire dans les dojos d’arts martiaux, ou « vider la poubelle » comme le suggérait parfois Itsuo Tsuda pour la pratique du mouvement régénérateur (katsugen undô) ? Que voulait-il dire par cela ?
Les pensées involontaires qui s’imposent à nous ont leur raison d’être. Cet éclairage indirect ne gêne en rien l’accompagnement ni la pratique du mouvement régénérateur, et encore moins ce que Haruchika Noguchi, fondateur du seitai, désignait par katsugen sôhô, accompagnement de l'involontaire. Vouloir chasser les pensées les renforce, mieux vaut encore les laisser passer sans y prêter plus d’attention que nécessaire.
Les pensées volontaires sont plus complexes.
Pour les médecins et thérapeutes, elles constituent l’intention thérapeutique qui permet la mise en œuvre d’un traitement. Mais déjà dans ce cadre-là, l’intention doit être focalisée sur le soin. Le désir de bien faire, de paraître compétent ou de vouloir influencer et guérir l’autre par le seul pouvoir de la pensée, tout cela participe d’une activité mentale sans frein. L’acte qui en découle suit la pente montante ou descendante des enjeux, sans garde-fou éthique pour prévenir les dérapages.
Quand le soin est domestique, avec pour seul guides l’involontaire et les sensations internes, l’intention et son corollaire la visualisation deviennent un éclairage trop puissant. Cette projection fait disparaître la réalité des sensations aux yeux du praticien qui ne voit plus que ce qu’il a imaginé et interprété. Il se pourrait bien que ce soit cela que nous devons vider de temps en temps. Le seitai s’en faisait déjà l’écho avec Haruchika Noguchi qui plaçait le mushin, « vide d’intention », au cœur de cette pratique du soin. Le « non-faire » ne peut s’accorder avec une intention,sinon il devient du « faire » intentionnel.
Revenir à une position plus neutre, qui ne projette ni image ni idéaux, est suffisant pour que l’involontaire se sente compris et en sécurité. L’éclairage de la conscience et de la réflexion non seulement ne le brime pas mais le renforce dans sa capacité d’expression. Se manifestent ainsi en toute liberté les sensations internes, tels ces jeunes arbres que la lumière ne fait qu’effleurer. La fine pluie du toucher peut alors les révéler dans toute leur splendeur, avec cette capacité à dire les besoins de l’organisme et à guider les mains de l’accompagnant.
Accompagner
En yukidô, la relation de soin se situe entre un accompagnant et un accompagné, elle consiste à « aller avec » les sensations perçues, de manière active mais non interventionniste. Par extension, accompagnement et auto-accompagnement
Involontaire (L’)
Le yukidô émet l’hypothèse d’un involontaire qui serait au corps que ce l’inconscient est à l’esprit.
Katsugen undô
活元運動 mouvement régénérateur.
活 (katsu) vivre, régénérer– 元 (gen) source, origine – 運 (un) porter, transporter– 動 (dô) mouvement.
Littéralement : le mouvement qui régénère la vie à sa source. Le katsugen undô se manifeste par l’extériorisation des mouvements involontaires et semi-involontaires nécessaires à l’organisme pour se rééquilibrer.
Katsugen sôhô
活元操法 la méthode (de soin) du katsugen. Élément essentiel du yukidô, le katsugen sôhô consiste à accompagner activement les capacités d'auto-régénération de l'organisme pour qu'elles prennent toute leur envergure et aident à la guérison.
Mushin
無心 vide d’intention. Innocent, sans ego.
無 (mu) le vide – 心 (shin, kokoro) le cœur, le centre, l’esprit. Littéralement : le vide d’intention dans le cœur-esprit. Notion fondamentale en seitai et dans les arts japonais en général, reprise en yukidô.
Sensation tactile interne
Elle vient de l’intérieur de la main, perçue par ses capteurs proprioceptifs et intéroceptifs. La main perçoit les flux de températures, consistances et mouvements internes qui animent les organes de la partie accompagnée, au fur et à mesure qu’ils s’expriment.
Sensation tactile externe
Une sensation est externe lorsqu’elle vient de l’extérieur de la main. Elle est perçue par la peau. Dans un soin thérapeutique, elle permet d’évaluer la texture, le positionnement et la forme des organes du patient, ce qui permet un diagnostic puis un soin thérapeutique.
Soin domestique
Soin basé sur la perception et l’évolution des sensations externes et internes, et sur la réponse aux besoins qu’elles expriment lorsqu’elles sortent de leur normalité. Le soin s’exerce alors par des actions corporelles ou des touchers qui mobilisent les sensations et plus largement l’involontaire de l’organisme. Les pratiques du mouvement régénérateur, de l’éveil des sensations et des muscles, de l’accompagnement et l’auto-accompagnement par les mains sont des exemples de soin domestique utilisés en yukidô comme outils de santé.
Soin thérapeutique
Soin basé sur une connaissance sensible, pratique et théorique, qui amène à un diagnostic indiquant quelle technique appliquer et comment l’adapter à chaque patient. Cette technique est mise en œuvre dans un but précis,lui-même fruit d’une connaissance pratique et théorique.