Quand les feuilles du magnolia tombent, c’est pour mieux faire apparaître au printemps ses étoiles pourpres. Nul regret dans la nature végétale, une lente obsession à frayer son chemin, une patiente mise en œuvre imperceptible sur le moment mais sûre de son fait.
Le regret est né avec le choix possible : la main qui accompagne est allée là, mais elle aurait pu aller ici. Elle a choisi de presser ceci, pourquoi ne pas avoir tendu cela ? Pression et tension sont des sœurs, pourquoi répondre au besoin de l’une et non de l’autre ? Pourquoi avoir choisi cet ordre : d’abord ce geste, ensuite celui-là ?
Une technique bien ordonnée envisage au mieux ce florilège de questions et élabore un protocole : dans tel cas, il est bon de faire ainsi, dans tel autre, il est mieux de procéder autrement.
Mais quand aucune technique anticipée n’est possible ni même souhaitable ? Quand la carte fait place au territoire, quand l’accompagnant « écoute » le corps accompagné diriger sa main et non l’inverse, comment faire ? Faut-il remplacer la technique par une confiance aveugle, qui n’autoriserait aucun doute et encore moins regret ?
Il n’y a rien de pire que cette fausse assurance qui fait croire à la main qu’elle possède la vérité. Mais le doute permanent n’est pas mieux, il empêche l’arbre de fleurir, la sève de circuler.
Anticiper le regret est peut-être ce qui bouscule le moins l’organisme. La main agit, et comme elle n’est pas omnisciente, elle réajuste son geste au fur et à mesure des besoins qu'elle perçoit. Et comme elle n’est pas omnipotente, ne se fait aucune illusion : elle rend les armes avant de les avoir prises.
L’organisme accompagné n’en revient pas. Il n’a pas à se défendre ni à se méfier : l’invasion n’aura pas lieu. Il garde les yeux ouverts : sa conscience se déploie comme magnolia au soleil. Ses capacités envisagent les possibles : c’est lui qui décide quand et comment. Est-ce trop demander ? La question est d’actualité…