Jusqu’à très récemment, le soin domestique a été un art du quotidien à portée de main pour tous, résistant à l’épreuve du temps et franchissant portails et frontières.
Aujourd’hui, introduire le domestique dans la notion de soin donne l’impression de balbutier. Il faut dire que ce savoir-faire a subi sous toutes les latitudes les assauts de la pensée sauvage (enjeux de pouvoir des mages, sorciers, matrones…) comme de la pensée savante (médicalisation de tout ce qui est relatif à notre santé), au point que la pensée domestique semble ne s’être jamais formulée vraiment. Faute de cette médiane, la culture de la santé au quotidien a viré de bord, substituant au pouvoir magique le « tout médical ».
Dans le soin domestique, il n’est question ni de solidariser le symptôme à la personne, comme le propose le système médical savant, ni de le désolidariser selon la thérapeutique sauvage. Il s’agit de faire en sorte que la personne puisse se le réapproprier.
Reconnu comme manifestation de l’involontaire et de l’inconscient, le symptôme n’est plus ce que l’on subit passivement en attendant la pilule ou la magie qui viendront nous soulager. Il est l’expression même de cette partie indomptée en nous, qui résiste au dressage et au rendement forcé, beaucoup plus qu’à la culture ou même à la domestication. Sa réappropriation – qui passe par celle du temps et de l’espace nécessaires à l’organisme pour aller mieux – réhabilite et vivifie de façon inattendue ce qui est sauvage et savant en nous, dans une vie « au présent » que l’on prend en main sans la contraindre.