L’œuvre reste inachevée et le désir inassouvi, sous peine de disparaître. Une existence entière n’est pas suffisante pour réaliser qu’il faut un fil pour nous tirer hors de nous et que ce fil est d’or. Le désir profond est ainsi fait : il nous anime et son objet reste hors de portée.
Le désir est fait de volonté, mais cette volonté nous dépasse. Il s’agit de « capter ce qui fuit, de toucher du doigt ce qui n’est pas ou pas encore, de donner corps à l’impossible » dirait Yves Peyré en parlant de la vision (1).
Cette volonté, nous l’exerçons involontairement, cela se fait tout seul, malgré nous, comme les battements du cœur ou le clignement des paupières. Cela agit pour irriguer un corps, regarder plus intensément encore. Pour accomplir une vie, une vie en lien avec d’autres vies, pour le bien commun au fil des siècles.
À chaque résurgence de cette rivière souterraine, l’œuvre sort de son lit pour voir le jour et éclairer la nuit. Mais dès qu’elle s’expose, le désir la retravaille et retisse les bribes du vivant : rien n’est moins sûr que l’accomplissement et c’est un émerveillement.
Les lucioles, en volant sur la rive opposée, ne tissent-elles pas des fils d’or ?
Note 1 : Yves Peyré
https://fr.wikipedia.org/wiki/Yves_Peyré
En appel de visages (Verdier, 1983)