Elle a la délicatesse des bambous miniature, de leur chant que seule la brise anime en ces temps d’oubli. Qui se souvient des rebouteux ?
Leur nom même est ignoré par la jeune génération. Pourtant ils sont bien là, en chair et en os, les rebouteux du 21e siècle de nos campagnes.
Écouter leur souffle n’est pas une mince affaire : ils disent ne rien avoir à dire. Ils agissent. Ils remettent ce qui a été démis, la chair comme les os, et ce qui les articule.
Leur voix est pourtant audible lorsqu’elle répond au questionnement : qu’est-ce qui guide vos mains ? La sensation. Comment se manifeste la sensation ? Par des picotements, des chauds intenses, des engourdissements… Ce n’est jamais la même chose, cela bouge tout le temps, au gré de la brise justement, au fil du vécu et des échos, résonances lointaines ou toutes proches. Comment la sensation peut-elle guider la main ? Par la sensation encore : le geste s’accomplit intuitivement et la sensation renseigne sur son impact ou sur l'absence d’impact. Rien n’est certain à l’avance, mais les choses s’ajustent peu à peu, doucement.
La voix des rebouteux était inaudible, seuls leurs gestes parlaient : comment expliquer ce que même la science n’arrivait à concevoir ?
Aujourd’hui, l’imagerie cérébrale, celle des tissus organiques, révolutionne la donne. Les fascias se mettent à parler à l’oreille des scientifiques, la voix des rebouteux est en concordance. Comment pouvaient-ils savoir que ce sont ces tissus organiques sans structure apparente que leurs mains sentent en priorité agir et réagir ? Autrefois délaissés, les fascias ont la cote, expliquent tout puisqu’ils enveloppent tout. Mais sous les fascias, la chair et les os ont aussi des choses à dire. Encore faut-il savoir les écouter, avec les mains, par leur sensation tactile. Pas la sensation externe des organes, mais celle interne des flux qui les anime : chaleur ou froid plus ou moins sec ou humide, tension ou relâchement, mouvement ou stagnation… Tout se modifie à chaque instant.
Chaque saison prépare la suivante, et l’automne peut-être plus que les autres ?
Andréine Bel