La drôlerie du mimétisme tient à l’imitation elle-même. Mais aussi décalée soit-elle, elle parle de ce qu’il y a de commun entre les êtres vivants : la sensibilité à la température et à ce qui met le cœur en joie comme dans le poème d’Akiko.
L’imitation, c’est le chemin entre soi et l’autre. Pas d’apprentissage sans imitation : je fais comme l’autre pour essayer, gagner du temps, ne pas avoir à réinventer le fil à couper le beurre. Je m’exerce, pratique, réfléchis, adopte ou rejette…
Le chemin de l’imitation n’est pas un long fleuve tranquille. Il me faut faire mien ce que montre l’autre. Le plus souvent, la proposition gêne aux entournures : je n’ai pas le même corps, pas la même histoire ou culture. Ou alors, ça étrangle comme un nœud gordien : plus j’essaie de m’en défaire, plus ça serre et finit par m’immobiliser.
Adoptée ou rejetée, la chose imitée va se perpétuer ou finir par disparaître.
Parfois, à force d’être imitée à l’identique, la chose se délite : c’est le sort de toutes les modes. Ce qui était frais et inventif devient redondant et ennuyeux. Il faut une grande bouffée de créativité pour que la mode se réinvente.
Comment sortir du phénomène de mode sans abandonner le partage que l’imitation autorise ? Avec une pratique nouvelle, la tentation est grande de délimiter une méthode, une technique, pour que la transmission ne soit pas dévoyée. Le danger est de l’enfermer. Les querelles d’écoles qui s’ensuivent sont sans fin ni limite : les murs n’ont jamais arrêté les idées.
Faut-il alors tout laisser aller à tout va ? Est-ce que tout se vaut ? À ne rien discerner, tout se ressemble et même le mimétisme devient impossible.
Le yukidō a vocation à toujours évoluer. Pour ne pas devenir une mode, il lui faut être en recherche constante, remettre cent fois l’ouvrage sur le métier. Comment éviter de devenir un grand fourre-tout ? Il est urgent toujours de se situer, discerner, dire ses sources, ses hypothèses et questionnements.
Jamais aucune pratique n’arrive toute cuite dans le chaudron de sa fabrication, et pourtant, le yukidō n’invente rien : l’involontaire de l’organisme et l’homéostasie culturelle (1) ont déjà tout vu et revu depuis l’apparition de la vie sur terre.
Depuis deux milliards d’années, le vivant a imité le vivant, mais avec assez d’inventivité pour que toujours il s’améliore – au hasard des rencontres mais avec l’indispensable capacité à garder identique l’essentiel (2).
Le tout avec une note d’humour devant ce qui étonne toujours : l’infini talent pour chaque changement de devenir une réjouissance efficace et sereine, comme à la fête des enfants un jour d’automne.
Andréine Bel
1) Damasio, Antonio (2017). L’ordre étrange des choses. La vie, les sentiments et la fabrique de la culture. Paris : Odile Jacob.
2) Jacob,François (1970). La logique du vivant. Une histoire de l’hérédité. Paris:Gallimard.